samedi 22 septembre 2007

Pourquoi la justice fiscale: le financement du développement

AU CHEVET DE LA R.D CONGO

La République Démocratique du Congo, l’un des pays regorgeant des plus importantes ressources naturelles au monde, dont le sous-sol recèle d’innombrables richesses connues et inconnues, avec un sol fertile à même de recevoir diverses cultures et possédant une faune riche et une végétation luxuriante. Ses cours d’eaux couvrent l’ensemble de son territoire et l’on observe une pluviométrie régulière. Face au développement, la RDC nécessite à tout prix un financement. Par Smalto Kabuya.

N’a se limiter qu’au bref portrait de la RDC, il ferait bon y vivre. Cependant, lorsqu’il faut appliquer les indices du développement, la RDC passe pour l’un des pays les plus pauvres au monde ! Le PIB par habitant (sur la base des parités de pouvoir d’achats) est estimé à 705 US$ pendant que dans la même catégorie le Lesotho a 2,619 US$ et dans la catégorie moyenne l’Afrique du Sud a 11,192 US$. L’enveloppe de la dette est évaluée à 14 milliards de dollars pour laquelle le service de la dette emporte 30 à 50 millions de dollars par mois, l’espérance de vie environne 43,5 ans alors que l’index du développement humain est estimé à 0, 391. Ainsi est-il placé dans le contingent des pays à faible développement d’après les indices publiés par le PNUD . De quoi interpeller la conscience de tout un chacun.

Longtemps couvert sous les cendres des prédateurs internationaux d’une part, et d’autre part géré par une gouvernance ne répondant pas aux aspirations de son peuple, le Congo, un géant endormi, a besoin de se relever. Le parcours de l’existence de l’Etat congolais est, en effet, la traduction de la souffrance de son peuple― privé de jouir du bonheur qui ne se trouve qu’à la portée de son nez, comparable à un homme qui ne sait mettre dans sa bouche le morceau de pain qu’il a entre ses mains. Ainsi, aux yeux de tout observateur, le cas de la RD Congo passe pour une énigme.

Faire du citoyen congolais ce qu’il devrait être, demeure en tout état de cause, la mesure applicable à tout projet de société ayant une quelconque implication de la nation congolaise, prise en tant que telle. Par là, la question du bien être de la population passe comme la clé du développement économique et de la politique gouvernementale. Pour y parvenir, il faudrait cependant qu’il y ait l’amorce d’une démarche subséquente, partant du financement nécessaire pour enclencher un réel processus de développement, à côté duquel peuvent se ranger en ligne étroite la responsabilité de l’Etat ainsi que celle des grandes firmes commerciales.

En effet, le concept de développement fait couler beaucoup d’encre et de salive dans les débats scientifiques à tous les niveaux, et au niveau international le développement a beaucoup attiré l’attention des Nations Unies qui a su y attacher certaines matières jugées prioritaires, enfermées dans ce qui est décrit comme les objectifs du millénaire pour le développement. A comprendre le développement de façon simple, comme un moyen de faire accéder les individus à une vie décente, la pauvreté passerait pour le maux le plus redoutable. La réduction de la pauvreté, en effet, est inscrit comme le second objectif à atteindre par les Nations Unies d’ici l’an 2015. Y parvenir, demeure le devoir de tout un chacun. Des efforts à fournir sont alors nécessaires tant de la part de la communauté internationale que des Etats, et des acteurs tant publics que privés.

Face à l’évidence du besoin de développement, se trouvent côte à côte la volonté d’y parvenir et les moyens nécessaires. Si donc la volonté d’y parvenir découle de la politique gouvernementale, les moyens quant à eux découleraient des mécanismes économiques jugés utiles pour cette fin. Il y a, en effet, lieu d’admettre que de la volonté politique, le gouvernement ne saurait prétendre répondre aux attentes du peuple qu’en définissant un cadre pouvant servir à traduire les actions menés en faveur de l’épanouissement de ce dernier. Le cadre de l’action gouvernementale est alors entendu comme la réglementation nécessaire pour cette fin. Par conséquent, il s’agirait de se poser la question― Quelle est l’état de la législation fiscale en R.D Congo ? Étant donné que ce sont les finances qui, en tout état de cause, fournissent les moyens de la politique. Et, de paraphraser l’adage populaire qui dit : «qui veut la fin, veut les moyens »

Sans pour autant vouloir entrer dans les détails sur l’importance dans ces colonnes d’un système fiscal adéquat, nous nous limitons à interpeller l’attention des uns et des autres, et peut-être plus tard, d’en réserver une analyse succincte. Mais, en effet, il y a lieu de présager du mauvais fonctionnement du système fiscal en RDC, comme cela avait été attesté par les difficultés que le gouvernement avait eu pour faire adopter le budget de l’exercice en cours au niveau du parlement. La balance budgétaire à elle seule, fournit l’explication sur les maux financiers qui rongent le pays.
Devant une difficulté financière, le premier réflexe serait de tendre la main ! Plusieurs croiront qu’une bouffée d’oxygène, venue de l’étranger, soulagerait le mal. Bien au contraire, sans aucune mesure d’accompagnement et de contrôle, tout effort consenti volerait en éclats, compte tenu de l’insuffisance décrite plus haut, et le mal quant à lui ne fera qu’empirer. Encore une fois, le cadre légal se présente comme une nécessité incontournable.

En revanche, devant la nécessité des finances pour enclencher le processus du développement économique, d’après le dialogue de haut niveau tenu sur le financement du développement2, la mobilisation des ressources financières nationales passe pour la principale source du financement du développement. Et, ici, au-delà de faire fi aux financements extérieurs qui peuvent s’exercer à travers le commerce international et l’aide publique au développement; il est attendu que l’Etat s’approprie le processus du développement ainsi que les stratégies de la réduction de la pauvreté, incluant les politiques de la mobilisation des ressources. A ce niveau, il y a lieu de se poser la question quel est le plan de développement adopté par la RDC ?

Dans le même ordre d’idées, face à la marge permettant à l’Etat d’innover sur les politiques de mobilisation des ressources selon ses propres caractéristiques, se trouve la nécessité du renforcement des institutions qui serviront à traduire le succès des mesures prises. Ceci ferait comprendre aisément que la qualité des institutions au service de l’Etat a une importance capitale quant à toute action menée par le gouvernement, incluant la mobilisation des ressources. Ce qui laissera affirmer que de faibles institutions résulteront une mauvaise mobilisation et gestion des ressources pendant que de fortes institutions résulteront une bonne mobilisation et gestion des ressources, et dans le premier cas il n’y aucun espoir de développement.

Par là, il y a lieu d’envisager que la RDC puisse épouser et mettre en pratique les principes mis en place par le Mécanisme Africain d’Evaluation par les Paires dans le cadre du NEPAD qui, tendent aux règles de la bonne gouvernance, une saine gestion des affaires publiques ainsi qu’une saine gestion macroéconomique parmi d’autres mesures clés devant être prises par l’Etat. Celles-ci, dans leur nature, créeraient un environnement propice pour mobiliser les ressources et atteindre un développement durable. Si donc, la bonne gouvernance, une saine gestion macroéconomique, des institutions favorables à l’économie de marché, une main d’œuvre de qualité, un équipement suffisant ainsi que la sécurité juridique sont des déterminants pour des investissements tant nationaux qu’étrangers, l’Etat demeure au cœur de la création de cet environnement. Ce qui conduira à évoquer la responsabilité de l’Etat.

La responsabilité de l’Etat peut, en effet, être envisageable de diverses façons, et de prime abord, l’Etat devra répondre de ses actes devant le peuple qui a consenti à son existence. En d’autres mots, l’Etat devra expliquer au peuple qui l’a mandaté, comment il gère la chose publique. Par ailleurs, l’Etat est censé créer un environnement propice au développement, suivant les déterminants énumérés plus haut. Aussi bien que l’Etat est responsable à pouvoir parer à toute situation de nature à troubler l’ordre public, dans le cas d’espèce, cette situation se référerait au détournement des deniers publics à travers la corruption, l’évasion des capitaux, la fraude fiscale et autres situations de même nature.

Etant donné que les critères déterminant pour la création d’un environnement propice au développement, ont plutôt tendance à permettre l’émergence du secteur privé, l’Etat demeure socialement responsable quant à promouvoir pour la population l’accès aux services publics tel que l’éducation, l’eau, les services de soins de santé et autres. En effet, l’accès à l’eau potable demeure un cauchemar même aux Congolais vivant en milieux urbains ! L’éducation, quoique nécessitant certaines réformes pour la faire s’adapter aux besoins évidents de la nation, demeure un fardeau sur les épaules de la population. Et pourtant, dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement, celle-ci devrait être gratuite aux niveaux primaire et secondaire, et certains pays africains comme le Kenya ont déjà gagné ce pari. Face à l’éducation où se trouverait la RDC ? Des moyens y feraient-ils défauts ?

C’est la responsabilité de l’Etat de s’assurer que le peuple trouve son compte dans tous les actes posés en son nom, puisqu’il tient son existence de la volonté populaire, le peuple aura le droit d’exiger des explications.

Ce n’est donc un secret pour personne qu’une multitude des contrats ont été signés avec l’Etat congolais surtout durant la période trouble où celui-ci avait diverses personnes qui l’engageaient sans son mandat, allant des contrats miniers à d’autres formes de contrats publics. Si l’initiative de l’actuel gouvernement, de révision de certains contrats publics est louée, il faudrait cependant, que la commission parlementaire en charge de ladite révision puisse adopter une méthodologie de travail conséquente tendant à impliquer le public. Cette méthodologie, par voie de conséquence, exigerait la publication de tous les contrats suspectés être illicites pour une action conséquente. Étant donné que tout contrat est entendu remplir les conditions requises pour sa validité, le manquement aux conditions contractuelles pourrait alors entraîner une action en nullité du contrat. L’action en nullité inspire une action rendant susceptible toute partie intéressée à déclencher la procédure, et a fortiori dans le cas d’espèce, le peuple serait la partie la plus intéressée. Ce qui ferait que l’ouverture à la révision des contrats publics sous-entendrait en d’autres mots, dans le cadre de la partie intéressée, toute personne ayant un point de vue à émettre, et il s’agirait donc de tout citoyen congolais― celui-ci étant alors le contribuable naturel de l’Etat.

Par ailleurs, face à la nécessité de rapprocher l’administration du peuple, le débat sur la répartition des compétences aux entités provinciales, est plutôt de bonne augure. Plus de 40% de recettes, ou à peu près, à êtres retenus au niveau des provinces, restent à tout prix nécessaires pour leur permettre de se prendre en charge et pour concrétiser le développement économique tant souhaité. Et ici, le cas des provinces fournissant le gros du budget national et en même temps faisant face aux problèmes de l’insuffisance d’infrastructures et autres déterminants du développement, est plus illustratif.

Si donc, l’Etat a des responsabilités devant le peuple, il en sera de même pour les grandes sociétés commerciales opérant sur le territoire d’une population donnée. Les grandes sociétés commerciales nationales ou multinationales doivent avoir un projet de société visant à développer l’espace dans lequel elles opèrent. Ceci impliquerait, entre autres, le respect des droits environnementaux, le développement des infrastructures, l’encouragement des initiatives privées tendant à relever le niveau social de la communauté locale au sein de laquelle elles sont établies. Et ici, les illustrations sont légion, allant de ces grandes sociétés commerciales quasi éteintes, éteintes ou continuant à survivre bon gré malgré dont l’OKIMO (extraction de l’or), la SOMINKI (extraction de l’or et autres minerais), la MIBA (extraction du diamant), la GECAMINE (extraction du cuivre et autres minerais) pour ne citer que celles-là. Toutes ont généré des millions, cependant les communautés dans lesquelles elles ont opéré sont restées dans la poussière, et les territoires qu’elles ont exploités détiennent en guise d’héritage un environnement endommagé. Ne s’étant limité qu’aux seules sociétés minières, ce qui précède peut être appliqué de la même manière à d’autres types de sociétés ― agroalimentaires, agroforesteries nationales ou multinationale, et le constat resterait le même.

C’est ainsi qu’il serait mieux indiqué que l’Etat assume, dans l’intérêt du peuple qu’il incarne, toutes les responsabilités qui lui sont dévolues. C’est pourquoi, en matière de signature ou d’octroi des contrats publics, l’Etat doit veiller à y insérer une clause faisant que les grandes sociétés commerciales prétendant opérer sur le territoire national puisse avoir un projet de société au-delà de leur objectif. Dans le même ordre d’idées, l’Etat devra s’assurer que cette clause est mise en application. Ceci permettra comme souligné ci-dessus que les communautés dans lesquelles ces firmes opèrent puissent y trouver leur compte d’une part et d’autre part, de préserver l’environnement en vue de garantir les moyens de vie aux générations futures.

Qu’à cela ne tienne, le pari restera de taille si l’Etat ne parvient pas à boucher les trous à travers lesquels les deniers publics se dilapident. Il est tout à fait impérieux que l’Etat puisse engager avec le concours de la population une lutte effrénée contre toutes sortes de malversations financières. Ainsi, la corruption, l’évasion des capitaux, la fraude fiscale, les paradis fiscaux constituent les plus gros trous à travers lesquels les ressources nationales disparaissent, les boucher permettra à l’Etat de mieux canaliser ses ressources financières. A ce titre, le réseau de justice fiscale a du consacrer une étude sur le thème : Fermeture des vannes « Closing the Floodgates »3

En définitive, la problématique du financement du développement en RDC, reste tributaire de la capacité de l’Etat de pouvoir générer un environnement socio juridico économique favorable afin de mettre le pays sur le sentier du développement. Si l’aide, public au développement est souhaitable, celle-ci ne peut être considérée que comme un supplément sur le gros des efforts à être fournis au niveau de l’Etat. C’est ainsi que l’Etat est entendu assumer ses responsabilités en mettant l’intérêt du peuple au centre de toutes ses activités. La réhabilitation du système financier à travers la législation fiscale, le circuit bancaire, les coopératives d’épargne, les petites et moyennes et entreprises et industries (PME&PMI) se présentent comme un enjeux capital.

À la lumière de ce qui précède, un système fiscal efficace passe pour une clé de voûte pour réaliser la mobilisation des ressources financières nationales pouvant servir à financer le développement du pays. C’est en ces termes que l’Etat congolais saurait répondre aux attentes de son peuple et s’engager dans le concert des nations avec un rôle reflétant sa taille.

Kabuya B. Smalto, licencié en Droit, UNILAC-Nairobi


Notes

1 Programme des Nations Unies pour le Développement; Human Development Report, 2006.
2 Résumé du dialogue de haut niveau sur le financement du développement, Assemblée Générale des Nations Unies, New York, 27-28 juin 2005.
3 Fermeture des vannes, une publication du Réseau de la Justice Fiscale, se concentre sur l’impact des pratiques fiscales nocives sur le développement, disponible en anglais sur www.taxjustice.net/cms/upload/pdf/Closing_the_Floodgates_-_1-FEB-2007.pdf.


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